La Flamme des Arcanes

La poussière tombe sur les ruines de la nécropole. L’armée d’Istarius a été vaincue et son domaine détruit. C’est une grande victoire pour toutes les Terres du Centre. Une grande célébration s’en suit au village des Marais d’Ostragh. L’auberge est pleine de monde, un grand bucher brûle au milieu du village où tous boivent, mangent et content leurs accomplissements dans la bataille ultime. Les Phénix Argentés, maintenant soldat de l’armée royal du Roi Ardamus, sont rassemblés près de ce qui a déjà été la caserne de la milice locale. Ils boivent, comme tous les autres, à la glorieuse victoire, mais également au combat qu’ils ont enfin terminé. Seul l’un d’entre eux semble moins enthousiasme que les autres. Arendil regardait sa choppe d’un air un peu songeur.

« - Pourquoi ne te réjouis-tu pas de la victoire, Arendil?, lui demanda Mortios.
- Au contraire, je me réjouis de cette victoire, répondit Arendil. Cependant, elle n’est pas complète, il manque quelque chose. Nous n’avons pas retrouvé le corps d’Istarius après la bataille.
-Ne t’en fais pas avec ça, lui rétorqua Béorn. Il doit avoir brûlé avec son château ou être enseveli sous les décombres.
-Si tu le dis Béorn, si tu le dis… »

Suite à la destruction de la nécropole, les Marais d’Ostragh devinrent de plus en plus calme. Seulement quelques vagues de morts-vivants persistaient encore et attaquaient de temps à autres le petit village et ses environs. Les Phénix Argentés gardèrent leur cartier général à la frontière du village où il avait toujours été. Malgré leurs multiples missions confiées par le Roi, ils aimaient rester près du village qui les avait accueillis à leur début et qui avait encore besoin de leur aide pour défendre ses frontières. Les commerçants recommencèrent à circuler librement sur les routes avec de légères protections. L’auberge du village se retrouva enfin un aubergiste à temps plein. Un homme mystérieux qui passait par les Marais décida de s’installer au village et d’acheter l’auberge. L’homme se faisait appeler Marcus.

Après quelques jours, Arendil remarqua que l’aubergiste n’agissait pas comme tous les aubergistes. Lorsqu’il quittait son comptoir, il marmonnait des paroles étranges et il n’y avait jamais de grabuge dans son auberge. C’est lorsqu’un soir il le vit sortir une baguette magique et immobiliser les trois orques qui étaient sur le point de se sauter dessus, qu’il comprit que Marcus était un thaumaturge. Il n’avais vu cette magie à l’œuvre que par deux personnes, soit par l’un des deux cousins, comme ils étaient surnommés au village dans le temps, et par le redoutable Istarius. Arendil vit là une opportunité incroyable. Il demanda à l’aubergiste de lui enseigner son art et celui-ci fut un réticent, mais accepta. Après quelques temps, Arendil appris tout ce que Marcus pouvait lui apprendre. De façon personnelle, il intensifia son entraînement et se perfectionna dans l’art qui était devenu sien.

Près de cinq ans après la destruction de la nécropole, le Roi fit quérir les Phénix Argentés pour une nouvelle quête. Lorsque les soldats allèrent voire dans les quartiers d’Arendil pour lui annoncer leur nouvelle tâche, ils trouvèrent la pièce vide. Une lettre celée d’un phénix imprégné dans de la cire argent reposait sur le bureau près de la fenêtre.

« Si vous lisez cette lettre, c’est que je me suis enfin décidé à partir. J’aurais voulu vous en faire part de vive voix, mais je sais que vous m’en auriez empêché. J’aurais aimé vous dire adieu, mais le cœur m’a manqué. Mes motivations sont compliqués à comprendre, mais je tenterai de vous les expliquer.

Comme vous le savez, lorsque je suis arrivé dans les Marais d’Ostragh, j’étais membre des Porteurs de Lumière, vouant leur vie à poursuites et la destruction de toutes aberrations. Notre mission était d’enquêter sur le Vent de mort et de le détruire si c’était en notre pouvoir. Avec du temps et beaucoup d’aide, nous avons accompli notre tâche. Après cela, il ne me restait plus aucune raison pour rester en ces terres, mais j’y suis resté tout en gardant en moi la lumière qui m’avait habité en y arrivant.

Suite à ces évènements, mon Maître, mon camarade, mon ami, mon frère, Sir William Vive-Lame est mort tragiquement. William a été une perte douloureuse. Le plus difficile dans tout ça, c’est que sont corps n’a jamais été retrouvé. Encore aujourd’hui, je m’en veux de ne pas l’avoir retrouvé et de ne pas lui avoir fais honneur en poursuivant son œuvre.

Ensuite, je me suis joint à vous, les Phénix Argentés. J’ai accompli tant de quêtes à vos côtés. Nous sommes devenus des soldats de l’armée royale, que d’honneur. Cependant, en vous suivant dans vos périples, j’en ai oublié le sens même de ma venue en ces terres. J’ai refoulé ma religion pour embraser totalement l’art arcanique, ce que je ne vous tiendrai jamais rigueur, car j’assume mon choix et j’en suis fier.

Il y a cinq ans de cela, nous avons défais une grande armée tenue par la pire aberration jamais vu. J’ai vu cet être maléfique torturer le village en entier avant de venir s’en prendre à moi. J’ai vu sa puissante magie à l’œuvre. À ce moment, je me suis juré à moi-même que j’en viendrais à bout. J’ai cru que cela était fais le jour où nous avons anéanti sa nécropole. Cependant, nous n’avons jamais retrouvé son cadavre et j’ai donc toutes les raisons de croire qu’il vit toujours, attendant de pouvoir relever une nouvelle armée.

Considérant la promesse que j’avais faite à mon Ordre, ainsi qu’à William, considérant mon but en arrivant en ces terres, considérant la puissante magie que j’ai découvert en cet être de malfaisance, j’ai décidé de le retrouver. Depuis plusieurs mois, je perfectionne ma maitrise de la thaumaturgie, art que j’avais vu Istarius pratiquer alors qu’on le combattait. Mon objectif était d’avoir une maîtrise égale, ou presque, des puissances arcaniques que celle d’Istarius.

Je crois maintenant avoir atteint le maximum de puissance que je pourrais atteindre en restant ici. Ma recherche d’Istarius pourrait me prendre des années de voyages, mais je pourrai augmenter ma puissance magique au cours de mes aventures.

Je vous dis donc adieu, je souhaite ardemment vous revoir un jour. Je vous donnerai des nouvelles lorsqu’il me le sera possible.

Que la chance soit avec vous,
Arendil Aristalan »

Des années passèrent sans que personne n’eût des nouvelles d’Arendil. Quelques uns croyaient l’avoir vu rôder prêt de la tombe de Vive-Lame. D’autres racontèrent comment un homme armé d’une simple baguette anéanti une cinquantaine de squelettes qui menaçaient de détruire un petit village. Certains bardes racontaient également le combat épique de deux mages à la baguette, dont l’un était un homme à l’allure guerrière avec un phénix sur son tabar et l’autre, d’ascendance noble vraisemblablement, semblait déjà mort, comme un spectre. Cependant, jamais rien de précis ou de concrets.

Près de quinze ans après son départ, une nouvelle lettre cachetée du sceau des Phénix Argentés parvins jusqu’au quartier général de l’armée royale.

« Après quinze ans de recherche, je touche au but. J’ai combattu maintes créatures pour arriver où je suis maintenant.

J’ai même rencontré les deux cousins il y a un an de cela. Ils voulaient s’interposer entre Istarius et moi, preuve que je touchais presque au but. L’un s’est enfui avec son maître et l’autre, le thaumaturge, est resté pour me tuer. Je l’ai combattu fièrement et je l’ai vaincu. C’était la preuve que j’attendais. Je savais que d’avoir vaincu un adversaire aussi redoutable me donnais beaucoup de chance face à Istarius ou, du moins, ça me donnait de l’espoir.

Maintenant, je suis à quelques jours d’atteindre Istarius. Il me reste encore de grand défi à relever avant de pouvoir l’affronter, car je doute qu’il se laisse approcher sans avoir laissé quelques uns de ses morts-vivants dans le chemin. J’espère avoir assez d’énergie pour me rendre jusqu’au bout.

Alors que je vous écris cette lettre, je me rends compte que ce sera peut-être ma dernière. Je tiens donc à vous remercier de votre appui et de votre amitié qui m’ont été très chers pendant mon séjour au Marais d’Ostragh. Ce fut un honneur de combattre à vos côtés.

P.S. Si je venais à mourir, j’aimerais avoir ma tombe à côté de celle de William.

Adieu chers camarades,
Arendil Aristalan »


À partir de ce jour, on raconta qu’un immense orage sans pluie se déclencha brutalement dans le nord du continent et qu’il perdura trois jours. Personne ne sût jamais ce qui s’y était passé. Mais, plus personne n’eût ouïe ni d’Arendil, ni du puissant nécromancien Istarius.

Peu de temps après, on érigea une tombe en marbre blanc arborant la forme majestueuse d’un phénix, au sommet d’une colline, juste à côté d’une tombe en granite arborant un soleil où on pouvait lire William Vive-Lame. On y fit inscrire :

« Arendil Aristalan
Sa magie fût sa lame;
la lumière d’Auras, son bouclier »